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  • Photo du rédacteurPatricia Jaïs

La voie de la maladie ou de la santé

Alliés et amis

Les amis sont indispensables. Sans eux, pas de plaisir, de rire, de bons souvenirs. Au sortir de l’enfance, ils prennent le relais de la vie familiale entre le monde et l’enfant. Entre les réalisations futures et le présent incertain, ils sont des incubateurs permettant de donner forme à ce qui, un jour, peut-être, existera. Ils supportent les formes provisoires de rêveries identitaires. Avec eux, on joue à « quand je serai grand ».


Le terme allié a un sens chamanique précis. Il désigne un être humain, une plante, un minéral, un ancêtre, un esprit animal, etc, soit toute forme d’existence auprès de laquelle on se ressource et on s’enseigne pour augmenter sa capacité à bien vivre une situation. Les alliés, ceux qui aident à vivre d’une façon authentique sont précieux. Dans ce texte, je parle exclusivement des alliés humains. Mais je pourrais en dire autant des autres. L’allié est médiateur avec le monde. Avec lui, le pont entre le visible et l’invisible est sans péage.


Quand une relation d’alliance existe et se déploie tranquillement, la vie est magique, créative, joyeuse. La sensualité, le plaisir de la parole libre, la confiance, l’authenticité sont possibles. Chaque jour est unique, chaque acte est porteur de grâce. L’espace s’ouvre, le temps s’écoule fluide. La créativité et le dialogue règnent accompagnés de respect mutuel et chaleureux. Nul besoin de mensonge pour se poser avec justesse ensemble. Réciprocité et bien-être sont une évidence. Pas besoin de se convaincre, ni de se battre, il suffit de se détendre et les solutions aux questions de la vie émergent, créativement. Solidarité et confiance l’un dans l’autre, les uns dans les autres, sont présents chaque jour, tout simplement.


L’allié est si rare dans une vie qu’il convient de protéger cette relation dans laquelle il n’y a pas de pouvoir de l’un sur l’autre. Elle permet au contraire une augmentation du pouvoir spirituel et social de chacun et de l’expression des forces de cette relation d’alliance, à deux ou à plusieurs, dans les activités sociales.


Les humains sont composés d’une multitude d’aspects et cherchent en vain leur unité. Seul l’engagement de ses forces disparates dans une relation d’alliance permet l’unification dynamique des composantes vitales. Et croire que l’on peut l’écarter pour résoudre d’abord seul ou seule la question de son unité est une chimère enseignée par l’expérience thérapeutique quotidienne. Vouloir vivre sans allié, c’est se mutiler. Et les éloigner quand la vie nous les offre, une illusion dangereuse. On s’unifie dans et par l’alliance en s’engageant dans des actions communes visant à restaurer les « matrices » de vie. Cela n’implique pas un amour fusionnel.


Mais pour cela, il faut d’abord décider de faire basculer sa vie du côté de la santé et de la force. Et c’est une décision que l’on prend entre soi et l’univers. Elle implique de faire enfin face aux tyrans et divers ennemis, qu’ils soient du dedans ou du dehors, plutôt que d’espérer un bonheur qui ne viendra jamais puisque la tyrannie est justement faite pour ça. Viendra ensuite l’organisation et le choix des alliés.


Tyrans et autres ennemis

Comment découvrir la différence des ennemis internes et externes ? Le mentor de C. Castaneda, Don Juan, dans « L’herbe du diable et la petite fumée » propose un modèle simple : sur la route de la connaissance, l’être humain a quatre ennemis : la peur, le pouvoir, la clarté et la vieillesse. Ce dernier étant le pire de tous. Le premier empêchant, lui, tout développement du pouvoir spirituel.



Que chacun ait ses propres « matrices » de peur, c’est une évidence commune. La tyrannie consiste à trouver un partenaire qui accepte de faire le travail psychique à sa place ou qui s’engage dans un style de vie permettant de s’immobiliser mutuellement. La relation ne peut plus bouger. La peur de sa fin se substitue à la guérison de ses propres peurs, bien antérieures à l’accord de partenariat.



Le pouvoir, au sens de Don Juan, est connu au plan psychologique sous le nom d’omnipotence. Elle peut prendre mille formes : au plan intellectuel, tout contrôler et vérifier, juger que ce n’est pas assez élaboré avant de publier ; la jalousie morbide est aussi un bon exemple de même que les cent façons d’envahir l’esprit d’autrui par des annonces et vérifications inopportunes. Pour la reconnaître, il suffit de se demander si l’on emploie souvent l’expression « supporter » ou « tenir bon ».


Reste ensuite à définir le type d’omnipotence avec lequel on persécute soi ou autrui. L’important est de freiner la capacité d’échanges chez ses partenaires : en matière amoureuse, de réclamer par exemple la fidélité sexuelle quand on se garde bien, soi-même de se livrer à la joie de l’amour. Restreindre la vitalité d’autrui est une clef de la tyrannie. Elle peut prendre d’autres formes : vouloir « bien faire » (sans examiner la réalité des circonstances), donner une prééminence au regard d’autrui sur sa vie, protéger ses parents en évitant de leur dire ce que l’on vit pour ne pas leur faire de peine, etc. La peur, le premier ennemi, est un des aliments naturels du second. L’impatience en est un autre, efficace.


La tyrannie conjugale est mutuelle. Elle est un contrat d’évitement des évolutions et maturations nécessaires, une étouffante charité, un mélange de non-reconnaissance d’autrui, de « bons » sentiments et de « tout pour les apparences » (amis et famille).



Plus subtile est la clarté, le troisième ennemi, l’omniscience au plan psychologique : l’illusion d’un chemin sur lequel on limite par avance, en faisant une erreur de direction, la qualité et la quantité de ses dons à l’univers. C’est une autre forme d’aliénation dans les relations entre humains.


Dans l’amitié ou l’alliance, la recherche du bien de l’autre est une quête exercée en commun. Ce n’est pas un savoir sur autrui. C’est un parcours créateur révélant les forces naturelles des protagonistes, là où chacun possède la plus grande puissance bénéfique d’agir. Sur cette voie, dans l’alliance, les deux (ou plusieurs) protagonistes se stimulent. C’est un cercle de partenaires autonomes se soutenant dans une action inventée au jour le jour.


Sur la voie de la connaissance, de son partage et de son expression, chacun peut se perdre dans des apprentissages secondaires, satisfaisant l’image de soi ou de partenaires infantilisants, mais très éloignés de ses dons les plus élevés et les plus naturellement généreux. Plus grande est la peur, plus on s’éloigne de ce que l’on peut faire de mieux. Et plus on se livre à des actions sans portée, sans fécondité, avec l’espoir secret d’être débarrassé des pesanteurs de la vie. Les restrictions à ses dons naturels empêchent d’accéder à sa force profonde qui s’acquiert dans l’autonomie et pas dans une dépendance perpétuelle à un maître. La restriction à la guérison de l’écrasement de ses forces vitales trouve dans les relations de maître à élève qui n’en finissent pas un aliment de premier choix.


La surestimation ou la sous-estimation de ses capacités par soi ou autrui est le fer de lance de cette aliénation. Et pour se dégager de la tyrannie externe ou de sa peur, il convient d’aller avec courage vers ses dons les plus élevés. Et de chercher avec qui vivre cette route, ses alliés naturels.



Le quatrième ennemi, toujours selon Don juan, est la vieillesse. Son expression est la lassitude ou la fatigue chronique. Il a gagné quand on a choisi de vivre avec un tyran, au bureau, dans sa tête ou à la maison, qu’il soit enfant, patron tyrannique, employé insupportable, époux (ou épouse) culpabilisant, parent angoissé ou angoissant, etc. Quand on vit en relation avec des personnes épuisantes, on a choisi la voie de la maladie et la mutilation de son pouvoir spirituel.


Voie de la maladie ou de la santé

Pourquoi la route de la servitude est t’elle encombrée à ce point ? L’enfant humain naît prématuré : il bénéficie d’une longue maturation, s’allongeant au rythme des progrès de l’allongement de l’existence. Durant les étapes de croissance, les « matrices » de liens au monde se constituent, douces ou difficiles. Le nourrisson a peu de chance de se rebeller contre les mauvais traitements et les erreurs de l’entourage. Les symptômes sont le vocabulaire limité de sa résistance. Et à l’adolescence, la rébellion vise à s’ouvrir à des expériences nouvelles plus qu’à corriger les torsions imposées à la psyché lors des étapes antérieures, prenant parfois la forme d’une guérison brouillonne.


Quand vient le temps des amours et celui du choix de l’activité professionnelle, rien de tel pour garder sa cohérence que de choisir ce que l’on connaît déjà.


Le choix de l’allié éloigne de la pathologie induite par l’histoire familiale. Le tyran, au contraire, est celui du parfait complice pour continuer à vivre d’une manière tordue, en sous-régime. Lui ou le comportement tyrannique est la parfaite continuation des blessures anciennes. C’est seulement en s’éloignant de lui ou en le transformant en allié (expérience rare) que l’on peut enfin vivre sa propre vie et lui donner une expression plus complète.


Les tyrans sont sans doute nécessaires à l’adolescent qui se pose en s’opposant. Ils peuvent être utiles pour qui méconnaît sa propre voie jusqu’à la petite quarantaine. On lui consacre ses forces jusqu’au moment où on découvre que c’est un puits sans fond, puisqu’il se nourrit de celles d’autrui. Ensuite, il vaut mieux les éviter ou se défaire de leur emprise, sinon la construction de sa voie sera retardée d’autant.


La tyrannie interne (surmoi et moi idéal de la psychanalyse) ou venant d’autrui règne par la peur. Elle est difficile à défaire. Et pourtant cela est nécessaire. Les traumatismes de la croissance se perpétuent dans un sentiment de division et de fragmentation de son être. La tyrannie est une solution unificatrice très coûteuse : elle permet une vie au plus petit niveau vibratoire et spirituel possible. C’est une caricature d’unité, une sous-vie choisie. Le prix, on le connaît : fatigue, dépression, lassitude.



L’unification et la santé

L’unification des composantes de sa vie est un choix de santé à un niveau élevé. Il suppose d’aller vers le plus naturel, d’identifier quand, avec qui, comment et à quelles conditions, on est joyeux, créatif et authentique, généreux plutôt que « rat qui ronge les céréales » (expression trouvée dans le yi jing). Il est nécessaire de se rappeler la nature des meilleures contributions déjà apportées à la vie commune et de les développer. Nul besoin qu’elles soient immenses ou glorieuses. C’est dans ces œuvres que la santé se fabrique.


Ce que l’on effectue à perte, en compagnie de partenaires dévitalisants, culpabilisants, qui remettent à plus tard le travail à faire, est voie de maladie, complicité passive avec ses malheurs d’enfant. La rencontre avec des alliés, l’établissement de liens et d’échanges de qualité et de confiance avec eux est ensuite le moyen de mettre en œuvre le choix de santé.


Reste donc à effectuer peu à peu ou vigoureusement les changements nécessaires à sa vie pour aller dans la voie de la santé. Et cela est une affaire de chaque jour.


J.G.F

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